lundi 24 août 2015

L'Enfer de Dante par Elizabeth Prouvost


 Élizabeth Prouvost est une photographe française née en 1950 qui a été par ailleurs directrice de la photographie dans le cinéma.

Après avoir été inspirée par la Madame Edwarda de Georges Bataille, la Marie-Madeleine de la Bible, les sculptures de Rodin, les naufragés du Radeau de la Méduse de Géricault, Elizabeth Prouvost s’est attaquée en 2014 à "La Divine Comédie" de Dante.

Elizabeth Prouvost photographie les corps nus dans le noir, pour les libérer des pressions sociales.
"Je ne photographie que des corps nus en mouvement. Mon travail de photographie se passe dans l’obscurité, endroit où l’on a tout oublié mais où tout est là. Dans la nuit, le corps se dérobe et se crée infiniment. Chaque séance doit être une évasion, un hors de soi et du temps. Alors naissent les formes libres, les métamorphoses."




C'est dans ces termes qu' Elizabeth Prouvost s'est exprimée dans "Les Cahiers Bataille" :
Etre égarée dans une sorte de crevasse du temps, est-ce l’immédiateté ? C’est un moment où soudain tout est découverte, tout est décalage. Il n’y a plus de durée, plus de mémoire, je rentre littéralement dans les entrailles du corps, qui est pour quelques instants plus organique, plus sensuel, plus chaud, il y a une force qui s’impose. Je dois installer mon regard dans cet instant-là, intensément, sans fuite. Je deviens la captive de mon appareil photo et je souhaite seulement qu’il capture ce que je ressens. Ce sont dans ces instants de joie fulgurante que tout est à saisir plus fort, plus précis, il ne faut pas les laisser échapper. C’est toujours dans cet ailleurs que la vraie vie commence.

Comme si je tuais l’image en appuyant sur la détente de mon appareil photo, je fais un meurtre par plaisir, volupté de sortir du possible. J’essaie de ne pas brider mes perceptions, de ne pas réduire les possibilités qui s’offrent à moi par une censure du regard. Mon lieu de travail est le lieu de l’insurrection où je cherche l’éclair vif d’une forme de vie ou de mort et aussi un lieu intérieur le plus secret possible. Oui, mon travail photographique est une façon de naître, une lutte à mort. Chaque séance est prémonitoire de la prochaine, c’est une longue chaîne. Capter les formes, ne jamais les connaître, les reconnaître, entrer dans l’impénétrable, toujours à la limite. Toucher à l’extraordinaire, travailler sur l’informe, le chaos. J’espère ne jamais manquer de la force nécessaire à franchir les dernières bornes.

J’attends des gens qu’ils regardent mes photos avec audace, qu’ils s’identifient à ces possibles comme s’ils fouillaient à l’intérieur de leur mémoire, de leurs désirs, qu’ils oublient pour quelques instants l’asservissement de la normalité. Qu’ils sortent de l’ordinaire, de l’enseveli, qu’ils ressentent une sorte de délivrance devant l’imprévisible. J’aimerais qu’ils acceptent de toucher à l’au-delà de l’être limité, à l’immensité.

Les photographies présentées dans cet article appartiennent à l'ouvrage qu'Elizabeth Prouvost a consacré à "L’Enfer de Dante", aux Editions La Sétérée.